Vie(s)
Deux regards perdus au milieu des étoiles
Comme figés au-dessus du néant
Basculent au fin fond des temps
Passagers d’un voyage sans escale.
Deux cœurs qui ne forment plus qu’un
Comme deux roses au milieu d’un bouquet
S’étreignent tendrement au cœur du jardin
Amoureux qui ne meurent jamais.
Peggy P.
tu as dessiné sur mes mains des tatouages de fiancée écrasé sur mes pieds des pétales de fleurs à l'odeur boisée collé sur mes lèvres des feuilles aux couleurs mourantes alors je t'ai serré fort dans mes bras pour ne pas que tu t'envoles et le froid a pénétré nos corps de sorte que nous ne formions plus qu'un
plus qu'un au milieu de la tourmente plus qu'un pour affronter les tempêtes passées présentes et à venir plus qu'un pour se fondre dans la masse en battant très fort afin d'irriguer tous les méandres de l'amour.
Je t'ai aimé
Je t'ai aimé
Plus que de raison.
Je me perds souvent
Quand j'aime,
Je me perds trop
Quand je m'ouvre:
C'est fréquemment
La chute,
La cadence rompue,
Je n'entends que mes notes
Qui ne reçoivent aucun écho.
Et mon cœur boîte.
Et mon cœur trébuche.
Je t'ai aimé.
Et si c'était à refaire,
Je t'aimerais.
Et si c'était à choisir,
Je t'aimerais encore.
Je t'aimerais
Sans que tu me le demandes.
Je t'aimerais
A nouveau,
Nouvellement,
Singulièrement.
Je t'aimerais
Comme on découvre,
Comme on embrasse
Et comme on serre.
Je t'aimerai…
Peggy P.
Y prendre au piège tous les maux
Douloureux
En faire des boules odorantes
Les recracher
Pour qu’elles éclosent
Fleurs d'un jour
Les effeuiller en extraire des pétales
De capiteux parfums
Pardonner et redonner vie
En toute innocence.
Peggy P.
Chine en souvenir
Sur les pierres du grand Hua Shan des siècles de pénitence
Des Hommes qui pensent marchent vers le soleil du matin
En communion les yeux sur l'horizon peuplé de montagnes
Peggy P.
Saisons
Pluies sur la rivière
L'été déjà luxuriant
Faisceau de lumières
Sur les arbres scintillant
Font un hiver transparent
Peggy P.
Comme des vagues,
Nos pages, se fracassent
Sur le roc des maisons.
Leurs lettres se désunissent:
Ecume, avec ou sans relents d'embruns,
Elles empruntent un va-et-vient,
Puis se reconstruisent,
Sans cesse,
A point nommé,
En d'autres pages
Qui se fracasseront,
A leur tour,
Sur le roc des maisons
Et se changeront,
Encore et toujours,
En d'autres pages.
Peggy P.
Les branches sur les routes
Dans les rivières
Le temps des pluies
Les gouttes entre les persiennes
Et les feuilles de bananiers
Il y a aussi le brouillard
L'odeur du pneu brûlé
La lourdeur des regards
Bien après l'heure du thé
La moiteur dans le dos
La sueur l'odeur du tabac
Et les corps surexposés
Enfin il y a le froid
Les neiges du Kilimandjaro
La chevelure du mont Fuji
Les gerçures les doigts gelés
La respiration coupée
Les épaisseurs de vêtements
Et la complainte des babouchkas.
Peggy P.
Sur la famille
Famille unie dans un noeud rouge un long fil sciemment tressé
Famille aimante et adorée toujours là toujours présente
Famille d'hier ou d'aujourd'hui à ce cœur enracinée
Peggy P.
50 ans
Il a pris le chemin le plus long
Pour affronter les échecs
Le plus court pour croiser l'amour
Il lui a fallu plus ou moins de temps
Pour comprendre ses erreurs
Plus ou moins de patience
Pour tendre à la sagesse
Ses sentiments sont restés purs
Dans le labyrinthe du non-dit
La force n'a été que le contrepoids
De sa gentillesse
Et s'il a déçu
C'est sans le vouloir
Sa vie n'a été qu’une succession
De contre-pouvoirs
Tantôt sereine
Tantôt agitée
Si bien que sur les rivages
De la vieillesse
A une moitié de siècle
Des années à venir
Il décide enfin
De chasser l'éternel
Mépris
De son existence.
Peggy P.
Elles
Justes ou pas
Mes grands-mères
Ont connu la guerre
L'éloignement l'exode
Les privations
Les amis fusillés bombardés
Les maris absents
Pour Elles
La paix fut construite
Pour Elles
Mon cœur sans limites
J'écris grâce à Elles
Leur attachement
Comme ancrage
Mille-neuf-cent-vingt-trois
Ça paraît loin
Je n'oublie pas.
Peggy P.
1923
Année de naissance
De mes mamies
Qui ont porté mes parents
Éduqué l'homme et la femme
Veillé sur leurs petits-enfants
Les saules pleureurs
Pleureront toujours
Elles sont parties
Le temps passe trop vite
On se retourne
Et déjà il n'est plus
Souvenirs d'enfance heureux
D'adolescence un peu
Puis la nuit reprend tout
Les cheveux blancs apparaissent
C'est l'épreuve de l'église
Puis celle du cimetière
On perd ses repères
Peggy P.
Tout se dévoile dans l'infiniment petit un mot des mots parfois une lettre des lettres les étoiles filantes les relient ou les relisent à chacun de leurs passages astrologie quand tu nous tiens !
Peggy P.
Traduction en espagnol par Alicia, amiga mía:
des arbres
immobiles
écouter
le vent
jouer
avec les branches
le chant
des engoulevents
éclairés
par la lune
et
ce petit baiser
sur ma joue
posé
délicatement.
Peggy P.
Traduction en espagnol par Alicia, amiga mía :
noche en la sombra de los árboles inmóviles escuchar el viento jugar con las ramas el canto de los chotacabras iluminados por la luna y ese suave beso en mi mejilla dado delicadamente.
A un passant
J’étais là solitaire au milieu de cett’ foule.
Grand, un peu voûté, à la chevelure blonde
Un jeune homme me croisa, pareil à la houle
Descendant les escaliers en quelques secondes;
Banal, léger, athlétique et toujours en rythme.
Moi, le cul sur les marches je lisais Baud’laire,
Dans son regard, azur parmi les logarithmes:
La pur’té, la beauté d’un amour éphémère.
La sonn’rie… et plus rien.- Compagnon de toujours
Acceptez le sourir’ d’une pauvre inconnue,
Ou disparaissez comm’ vous le fait’ chaque jour!
Partez bien loin pour que je ne vous retrouv’ plus.
Ainsi, sans vous voir, j’oublierai votre dessin,
Et toute seul’, sans Toi, je souffrirai bien moins.
NB: D'après "A une passante" de Charles Baudelaire.
Peggy P.
matin chagrin
Les rails courent le long des trains
Paysages grisés par la vitesse
Le terminus reste incertain
Les passagers descendent sans cesse
RER ou transilien
En hausse ou en baisse
La fréquentation du matin
Bien las nous laisse
C'est le lot quotidien
Des travailleurs et des princesses
Dans une banlieue qui va qui vient
Parfois illustrée dans la presse
Une sonn'rie et puis plus rien
Un beau matin les peurs renaissent
Les portes se referment soudain
Sur des visages pleins de tristesse.
Peggy P.
Fleur d'un jour
Tu perds tes pétales
Corolle éphémère
Tes couleurs se ternissent
Et ta douceur s'écaille
Folies qui se fanent
Sans pencher ton cœur
Tu manques d'équilibre
Instant raté
La pluie
Ne saura te guérir
Fleur d'un jour
Et les papillons
Riront
Bientôt de toi.
Peggy P.
Traduction en espagnol par Alicia, amiga mía:
Los murales
Sur les murs: de la douleur,
Des Hommes qui pleurent
Sur un passé déjà lointain
Sur le doute des lendemains.
Sur les murs: de la sueur,
Beaucoup de peine,
Des Hommes qui peinent
Sous le poids d'un dur labeur.
Sur les murs: du bonheur,
Des enfants qui courent,
Vers la joie, vers l'amour,
Qui rayonnent sans peur.
Sur les murs: des couleurs,
Des visages, des sourires,
Des clins d'œil qui font rire,
Un paysage enchanteur.
Sur les murs: des écritures,
Des vers, des paroles, des droits,
Tout cela dans un même endroit,
Qui ignorent le mot "censure".
Sur les murs: ¡ hola a todos !
Une, deux, trois cultures,
Mille pas vers l'aventure,
La vida, todos unidos.
Peggy P.
date limite de consommation
la toute petite souris gratte
de ses petites pattes le fromage pourri
il sent bon le fromage qui n'a pas servi
recouvert d'une mince pellicule blanche
fait à souhait ce serait dommage de le laisser sur la planche
la toute petite souris gratte
de ses petites pattes
le plastique qui n'a pas vieilli.
Peggy P.
antenne de tv tv tv tv tv tv tv tv tv tv
oiseau perché perché perché
haut dans les hertz hertz hertz hertz hertz
liaison indirecte recte recte
un souffle
oiseau envolé
hi hé
hi hé
hi hé
Peggy P.
déversoir
choisir de redire tout le clou de la soirée de retenir les moments prégnants kilogrammes de tendresse au milieu d'un désordre ses quelques mots écrits sur un coin de table m'ont ému jusqu’aux larmes aussi je dis merci à ce serveur qui a reconnu ma solitude et mon désespoir
Peggy P.
Sonnet pour Hélios
Lorsque mon ombre et moi dans les soirées moroses,
Nous avions gribouillé nos noms sur des cahiers,
Dans un haut ciel perdu, empreint d'éternité,
Le soleil nous saignait de son allure rose.
Comme deux ouvriers qui faisaient une pause,
Nous nous laissions baigner alors par la clarté
Et l'astre du jour, son pourpoint arboré,
Dessinait sur nos joues de rougeoyantes lauses.
Tout réchauffés ainsi de rayons chaleureux,
Nous nous tournions vers lui, redevants et heureux,
Pour sourire à ce point lumineux et joli
Qui dans nos yeux marquait une empreinte moins sombre.
Illuminés, ravis nous lui disions ainsi
Merci de colorer notre triste pénombre.
Peggy P.
tempête: bouleversement des sentiments coupure d'amour épuisement des forces abattement du cœur soubresauts du corps bourrasques de chagrin inondations de larmes couinements arrachés vents contraires vagues de remords effondrement de la raison constatation de l'ampleur des dégâts sans assurance existence submergée… la tempête a tout dévasté.
Peggy P.
A tous ces vers
A tous ces vers
Qui sont venus
Et sont repartis
Trop vite
A tous ces vers
Réinventés
Sans surpasser
Les premiers
A tous ces vers
Qui dans la nuit
Ont su me sortir
De mon lit
A tous ces vers
Majestueux
Bientôt oubliés
Malgré eux
A tous ces vers
Tantôt cuir
Tantôt velours
Sur vos amours
A tous ces vers
Tant de fois
Redits remâchés
Reingurgités
A tous ces vers
Qui sans relâche
Ont su m'éviter
Bien des tâches
A tous ces vers
Bien démunis
Qui n'ont pas su
Gagner des prix
A tous ces vers
Omniprésents
A chaque heure
Du temps
A tous ces vers
Jolis mignons
Sans avenir
Sans horizon
A tous ces vers
Que le papier
Avale et ravale
Sans cesse
A tous ces vers
Postés un soir
Disparus
Le lendemain
A tous ces vers
Qui crient parfois
Mais que
L'on entend pas
A tous ces vers
Longs courts
Mais surtout
Courts
A tous ces vers
Pleins de joie
Ou d'amertume
Ô délaissés
A tous ces vers
Que j'n'ai pas bus
Et qui m'auraient
Pourtant aidée
A tous ces vers
D'avant-hier
Éphémères
Comme la poussière
A tous ces vers
Qu'on n'a pas dits
Par peur
Par déni
A vous mes vers
Je vous rassure
J'écris sans âge
Et davantage.
Peggy P.
Les yeux grands ouverts
Interrogatifs
Quand mettez-vous le couvert ?
Peggy P.
Photos et dessin : Peggy P., Catherine P. (plume, ciels, papillon, dalhia) et Laurent D. (recueil).